90 minutes pour mieux comprendre les musulmans de Suisse
27 février 2004
Un pool de chercheurs propose des séminaires éclair sur le monde musulman
Sociologue, historien, politologue ou juriste, ces académiciens ont créé en 2002 le « Groupe de recherche sur l’islam en Suisse » (Gris). Un concept inédit pour établir un dialogue constructif et tordre le cou aux idées reçues.Qu’est-ce que la viande halal ? Pourquoi les musulmans revendiquent-ils des carrés confessionnels dans les cimetières ? Voici le genre de questions que l’on peut aborder au cours d’un séminaire du Gris. L’objectif est de fournir un point du vue scientifique grâce à une approche pluridisciplinaire. « Notre rôle n’est pas d’avoir des positions précises sur la question du foulard ou des cimetières », confirme François Jung, sociologue à l’Université de Genève. « Par contre, nous pouvons attirer l’attention des personnes sur les conséquences d’un choix », ajoute-t-il. Spécialistes dans différents domaines de la recherche en sciences sociales, les membres du Gris ont des opinions divergentes. C’est justement tout l’intérêt de leur démarche. Dans le cas de figure de la loi sur le foulard en France, les conséquences identifiées par un sociologue ou un juriste ne sont pas les mêmes. « C’est cette complémentarité que nous souhaitons mettre à disposition du public », souligne le sociologue. Un travail main dans la mainLes expériences similaires vécues dans d’autres pays européens sont réutilisées. « La comparaison avec les autres permet aussi d’avancer vers une solution adaptée à une région précise », explique Stéphane Lathion, historien des religions à l’Université de Fribourg. Par exemple, la loi sur les symboles religieux ne serait pas envisageable en l’état en Suisse. « Il faudrait changer la Constitution », explique Erwin Tanner, juriste à l’Université de Fribourg. Ce qui est imaginable au niveau juridique ne l’est pas pour autant au niveau politique. « J’ai besoin d’un état des lieux au niveau sociologique, théologique et politique pour ensuite réfléchir sur l’opportunité d’un changement législatif », explique-t-il. Il ajoute que : « Ce qui m’a convaincu de participer au Gris, c’est justement son aspect inter-disciplinaire ». Une mission de conseil«Ces séminaires éclairs s’adressent surtout aux médias, aux partis politiques et aux administrations », explique François Jung, juriste et membre du Gris. Cette association, fondée il y a deux ans, propose deux formules : le séminaire d’une heure et demie et celui d’une à deux journées. Pour la première formule, les objectifs à atteindre doivent être dès le départ clairement établis. « En nonante minutes ou même en une journée, on passera forcément à côté de certaines choses », juge-t-il. « On peut aussi imaginer une intervention dans un quartier sensible pour tenter de rétablir la dialogue avec la communauté musulmane », déclare Stéphane Lathion. Le Gris pourrait en quelque sorte fournir les rudiments de base pour mieux comprendre le mode de vie de la population musulmane. Ce concept encore inédit en Suisse peut s’adapter aux demandes spécifiques confirment les responsables.