Les jeunes se posent des questions sur le sens de leur vie :« J’y crois moi non plus »

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Les jeunes se posent des questions sur le sens de leur vie :« J’y crois moi non plus »

26 mars 2004
«La passion du Christ» de Mel Gibson, Harry Potter, Le Seigneur des anneaux : les thèmes liés de près ou de loin à Dieu, aux forces du bien et du mal occupent une place de choix dans la société actuelle
Les jeunes n’échappent pas à cette déferlante. Pas étonnant. Cet attrait correspond à un besoin de comprendre le sens de la vie, de savoir «à quoi ça sert tout ça». Et ils ne sont pas avares de questions. Sur le site Ciao sous la rubrique "J’y crois moi non plus", ils sont plus de mille chaque mois à se poser des questions sur le sens de la vie ou sur les religions. Les jeunes ne se satisfont pas des seules valeurs véhiculées par la société de consommation. Même s’ils sont totalement imprégnés du tout tout de suite, ils ne sont pas épargnés par les questions existentielles. A ce titre, les interrogations et les remarques qu’ils posent sur le site Ciao, sous la rubrique J’y crois moi non plus sont révélatrices. Elles témoignent des difficultés qu’ont les adolescents et les jeunes adultes à donner du sens à ce qu’ils vivent au quotidien. La mort, la perte font partie de ces réalités qui les interrogent : «Mon rat est mort. Je sais que ce n’est qu’une petite bête. Mais je me demande pourquoi Dieu me fait subir cette épreuve». D’autres garçons et filles se sentent aussi en porte-à-faux avec certaines modes, certains courants qui envahissent les lieux qu’ils fréquentent. « Quand je vais dans des magasins de disques, je suis halluciné, il y a des étoiles sataniques, des insultes sur Dieu, des phrases choquantes». D’autres encore expriment leur incompréhension du monde, des injustices et des violences : « Croyez-vous qu'il existe des valeurs fondamentales au sein d'une société qui soient authentiques, ou sont-elles toutes corrompues et artificielles? »Croyances sans appartenanceDans leur quête de sens, ces jeunes filles et garçons se détournent souvent des religions traditionnelles et des croyances de leurs parents. Ils ne ressentent pas le besoin d’appartenir à une communauté constituée, de croire en quelque chose de commun. «Je vous écris parce que je ne crois pas trop aux religions, quelles qu’elles soient. Il suffit de regarder dans le passé, les croisades, ou dans l’actualité, le conflit israélo-palestinien. Toutes les religions ont créé de la violence » ou encore « Je crois en quelqu’un de supérieur, mais pas en grand chose qui est écrit, tout cette histoire qui n’est faite que de miracles ».

Les jeunes se tournent plus volontiers vers des pensées, des idéologies qui prétendent apporter des réponses ou des pistes de réponses au-delà du matériel. Ils «piquent» ça et là des affirmations qui font sens pour eux et se confectionnent en quelque sorte une spiritualité à la carte, fondée sur la recherche individuelle et le bricolage personnel, ouverte à toutes les croyances parallèles. « Cette attitude correspond à la société de consommation dans laquelle ils ont grandi et dans laquelle ils ont toujours le choix entre plusieurs possibilités, explique Jean-Marc Savary, président de l’Association « J’y crois moi non plus » et aumônier de jeunesse dans le Gros-de-Vaud. C’est une manière de vivre qui a été acquise inconsciemment. Pas étonnant dès lors que la plupart des jeunes ne soient pas prêts à entrer dans une institution religieuse qui va leur dire ce qu’ils ont à croire ». Perception magique de DieuUne des caractéristiques fréquentes de ces nouvelles croyances, c’est la perception magique de Dieu. Carmen, la lauréate de MusicStar, le pendant alémanique de Star Academy, estime que son succès porte en quelque sorte la marque de Dieu. «Oh ! Gott, ich bin ein Star !», s’est-elle écrié en apprenant qu’elle avait gagné. Elle explique dans le journal paroissial zurichois : «J’ai remarqué qu’il se passait quelque chose que je ne réussissais plus à maîtriser. C‘est bon de savoir que tout repose dans la main de Dieu». De là à conclure que si elle a été élue et si les autres candidats ont été éliminés, c’est grâce à Dieu, il n’y a qu’un pas ! Ce courant de pensée se retrouve également avec Harry Potter, dans certaines séries télévisées et dans des publicités. «Nombreux sont ceux qui croient actuellement qu’on peut obtenir toutes sortes de choses si on fait ce qu’il faut pour l’obtenir, constate Jean-Marc Savary. De la même manière, notre société a fait sienne l’idée qu’avec de l’argent, on peut tout obtenir. Face à une telle conception, il est difficile de parler aux jeunes de l’amour inconditionnel de Dieu. C’est totalement à contre-courant de dire à un jeune que Dieu l’aime parce qu’il est. Qu’il n’a rien besoin de faire ». Vivre sa foi au quotidien, malgré l’incompréhension des camaradesCette façon d’appréhender le divin n’a pourtant pas entièrement disparu. Ainsi, au collège de St-Maurice et à celui des Creusets à Sion, quelques étudiants sont sensibles à cet amour inconditionnel. Ils osent dire haut et fort qu’ils croient en Dieu. À tel point qu’ils ont choisi des travaux de maturité liés à leurs croyances religieuses. L’un d’eux s’est intéressé au chant grégorien, une autre a approfondi la théologie du mariage comme chemin de sainteté pour le chrétien. Une autre encore a cherché à comprendre la prière chez Sainte Thérèse d’Avila. Céline, qui a traité ce dernier thème, a senti l’appel du Seigneur lors d’un pèlerinage à Toronto avec les GMJ. A son retour, elle avait beaucoup changé. Elle ne pouvait plus vivre comme auparavant. Ses camarades l’ont accusée d’être endoctrinée, d’être illuminée. Depuis lors, une année a passé, ses camarades l’acceptent mieux telle qu’elle est, mais les réactions restent parfois fortes : «Certains disent que je n’ai rien compris. D’autres reconnaissent que mon vécu les fait réfléchir. Aujourd’hui, je sais qu’en étant catholique pratiquante, je vais à l’encontre de l’esprit du monde, qui laisse croire qu’on peut se sauver par soi-même, qu’on n’a pas besoin de l’Eglise. Je considère qu’il y a un certain orgueil dans cette manière de voir les choses, une façon de ne pas admettre ses faiblesses. Pour ma part, je refuse de séparer ma spiritualité du reste de ma vie J’ai une relation réelle et personnelle avec Dieu. Ce n’est pas une affaire du dimanche. Je veux vivre ma spiritualité au quotidien».

Un tel engagement est peu fréquent chez les jeunes, à tel point que Céline se sent parfois incomprise. Heureusement, elle a tissé des liens très forts avec des garçons et des filles qui se sentent eux aussi appelés, ainsi qu’avec des adultes qui partagent ses convictions. Une vision de l’humanité au travers des yeux de DieuPour le pasteur Jean-Marc Savary, qui constate lui aussi chaque jour combien l’expression de la foi chrétienne est rare chez les jeunes, il s’agit d’en tenir compte. Dans son travail quotidien en tant qu’aumônier de jeunesse et répondant de Ciao, il côtoie des jeunes très différents les uns des autres. Dans ses rencontres, il ne cherche pas forcément à défendre l’institution religieuse. En tant que chrétien, il tente d’apporter à ces jeunes des pistes sur leur questionnement spirituel. Il évoque volontiers avec eux un texte biblique qui peut leur apporter des éclaircissements sur leur vie. Il essaie peu à peu de leur montrer, au travers des questions existentielles qu’ils se posent, une certaine cohérence de la vision de l’humanité au travers du message de Dieu et de Jésus-Christ.