Le mystique, être subjugué par Dieu
4 juin 2004
La faculté de théologie lausannoise et la Société vaudoise de théologie ont organisé la semaine dernière un colloque consacré à la mystique
Ce courant protéiforme, qui traverse toutes les grandes traditions religieuses, connaît aujourd’hui un net regain d’intérêt. La mystique retrouve le devant de la scène religieuse. La journée de réflexion que lui a consacrée, jeudi dernier, la société vaudoise de théologie l’a démontré : Croyants et chercheurs se montrent de plus en plus attirés par cette longue tradition, qui traverse tous les grands courants religieux. « Avec la mystique, l’on touche à l’intime d’une croyance. Elle rappelle que la foi se joue d’abord dans une chair, à travers des chemins d’expérience plus ou moins sinueux », a rappelé en ouverture le théologien Thierry Laus, l’un des organisateurs du colloque.
Une première partie de matinée était ainsi réservée à l’évocation de la spiritualité en actes chez les pasteurs de l’Eglise réformée vaudoise. Responsable d’un ministère baptisé « spiritualité dans la Cité » à Lausanne, Jocelyne Muller: « Avec le professeur Carl-André Keller, grand spécialiste de la question, je parlerais de mystique comme d’un dépassement radical de soi par un être subjugué par Dieu ». Pour la ministre, il y a donc opposition entre une vie spirituelle, comprise comme la recherche d’une coïncidence avec soi, et la mystique qui apparaît « obsession de l’union avec l’Autre, faisant au contraire sortir de soi ».
Se disant libre de penser et de croire, Jocelyne Muller se sent aussi héritière d’une tradition liturgique, doctrinaire et éthique : « Spirituellement, je me sais précédée ». Regrettant que la spiritualité demeure un aspect quelque peu négligé du ministère, alors qu’il lui en apparaît le cœur, l’intervenante a milité pour le retour à un accompagnement spirituel peu à la mode du côté réformé. « La vie spirituelle est d’abord affaire de frères et de sœurs, avant d’être celle de spécialistes. Au travers de la rencontre avec l’autre, Dieu prend soin de moi, me dirige, m’écoute ».Mourir en soi pour ressusciter en DieuAuteur d’ouvrages remarqués sur le sujet, dont Le Ciel est en toi, le théologien et pasteur de la paroisse française d’Argovie Michel Cornuz a évoqué une grande figure de la mystique chrétienne : Madame Guyon. Inspiratrice de Fénelon, cette mystique de la fin du XVIIe siècle influença particulièrement la pensée protestante de l’époque : le mouvement piétiste, mais aussi le méthodisme et les Quakers. « Cela explique que l’on trouve une grande partie de son œuvre à la bibliothèque des Cèdres », a noté Michel Cornuz. Selon lui, Mme Guyon est un bon exemple d’une pensée mystique qu’il convient de considérer comme une « parole de l’excès, cherchant avant tout à déconstruire nos systèmes de pensée et dire l’ineffable, et à nous faire accéder à un certain silence où tout se tait ». Avant tout « parole singulière et toujours adressée », la mystique répond à un besoin à notre époque où, précisément, la parole institutionnelle s’érode et où l’expérience spirituelle devient personnelle. « Elle devient une protestation au nom de l’intérieur ; un rappel de l’Evangile éternel et un appel à la conversion intérieure ».
Véritable « mort de soi pour ressusciter en Dieu », selon les termes de Carl-André Keller, la mystique cherche à « expérimenter la voix de Dieu dans son âme ». Les moyens en sont multiples, de la musique présente dans toutes les expressions du sentiment religieux, à l’ascèse, « effort de dépouillement de soi et d’union à Dieu », dont l’une des expressions, le jeûne, rencontre actuellement un net regain d’intérêt.
Une première partie de matinée était ainsi réservée à l’évocation de la spiritualité en actes chez les pasteurs de l’Eglise réformée vaudoise. Responsable d’un ministère baptisé « spiritualité dans la Cité » à Lausanne, Jocelyne Muller: « Avec le professeur Carl-André Keller, grand spécialiste de la question, je parlerais de mystique comme d’un dépassement radical de soi par un être subjugué par Dieu ». Pour la ministre, il y a donc opposition entre une vie spirituelle, comprise comme la recherche d’une coïncidence avec soi, et la mystique qui apparaît « obsession de l’union avec l’Autre, faisant au contraire sortir de soi ».
Se disant libre de penser et de croire, Jocelyne Muller se sent aussi héritière d’une tradition liturgique, doctrinaire et éthique : « Spirituellement, je me sais précédée ». Regrettant que la spiritualité demeure un aspect quelque peu négligé du ministère, alors qu’il lui en apparaît le cœur, l’intervenante a milité pour le retour à un accompagnement spirituel peu à la mode du côté réformé. « La vie spirituelle est d’abord affaire de frères et de sœurs, avant d’être celle de spécialistes. Au travers de la rencontre avec l’autre, Dieu prend soin de moi, me dirige, m’écoute ».Mourir en soi pour ressusciter en DieuAuteur d’ouvrages remarqués sur le sujet, dont Le Ciel est en toi, le théologien et pasteur de la paroisse française d’Argovie Michel Cornuz a évoqué une grande figure de la mystique chrétienne : Madame Guyon. Inspiratrice de Fénelon, cette mystique de la fin du XVIIe siècle influença particulièrement la pensée protestante de l’époque : le mouvement piétiste, mais aussi le méthodisme et les Quakers. « Cela explique que l’on trouve une grande partie de son œuvre à la bibliothèque des Cèdres », a noté Michel Cornuz. Selon lui, Mme Guyon est un bon exemple d’une pensée mystique qu’il convient de considérer comme une « parole de l’excès, cherchant avant tout à déconstruire nos systèmes de pensée et dire l’ineffable, et à nous faire accéder à un certain silence où tout se tait ». Avant tout « parole singulière et toujours adressée », la mystique répond à un besoin à notre époque où, précisément, la parole institutionnelle s’érode et où l’expérience spirituelle devient personnelle. « Elle devient une protestation au nom de l’intérieur ; un rappel de l’Evangile éternel et un appel à la conversion intérieure ».
Véritable « mort de soi pour ressusciter en Dieu », selon les termes de Carl-André Keller, la mystique cherche à « expérimenter la voix de Dieu dans son âme ». Les moyens en sont multiples, de la musique présente dans toutes les expressions du sentiment religieux, à l’ascèse, « effort de dépouillement de soi et d’union à Dieu », dont l’une des expressions, le jeûne, rencontre actuellement un net regain d’intérêt.