Genève : Vers la création de cimetières confessionnels ?
21 octobre 2004
A Genève, le Conseil d’Etat voudrait autoriser la création de cimetières confessionnels
La loi actuelle date de 1876. A cette époque, elle garantissait l’enterrement des protestants et des catholiques dans les mêmes lieux. Aujourd’hui, l’ensevelissement doit se faire dans des espaces laïques gérés par les municipalités. Si les Eglises sont toutes favorables à une modification législative, le parti radical (PRD), le parti démocrate-chrétien (PDC) et certaines communes craignent un renforcement du communautarisme et une remise en question de la laïcité. Enquête. «Aujourd’hui, la balle est dans le camp du Grand Conseil et des partis politiques », affirme Pascal Chobaz, président de l’Association des communes genevoises. Le projet du Conseil d’Etat prévoit la coexistence de cimetières publics et privés. La procédure de consultation auprès des milieux concernés a mis en évidence les divergences d’opinion entre les partis politiques. Le Grand Conseil genevois s’exprimera prochainement sur le sujet. L’issue du débat pourrait aboutir à un référendum.
A droite de l’échiquier politique, le PRD et le PDC se battent pour maintenir le statu quo. « Pourquoi devrait-on rallumer la guerre des cimetières ? », déclare Pierre Maudet, conseiller municipal radical. Selon lui, la loi de 1876, issue du Kulturkampf, permet l’harmonie dans une société pluriculturelle. «On va à rebours du bon sens en remettent en question cette loi », continue-t-il. Selon deux avis de droits des professeurs Claude Rouiller et Andreas Auer, la liberté religieuse commande de modifier la situation actuelle. «La liberté de religion s’articule dans la sphère privée », répond Pierre Maudet. Un avis que partage le PDC. Communautarisme craint« Dans un canton multiculturel, toute amorce de communautarisme doit être combattue afin de conserver la neutralité confessionnelle et éviter tout motif de tension entre différentes cultures », argumente Fabiano Forte, secrétaire général du PDC. Pour Pierre Maudet et Fabiano Forte, les carrés confessionnels ne sont pas une solution. Pour les deux politiciens, l’ensevelissement doit demeurer l’affaire des familles et non pas celle des communautés. Le parti socialiste et le parti libéral sont favorables à ce projet. L’UDC l’est également, à condition qu’il y ait seulement un seul cimetière par communauté religieuse.
Toutes les Eglises chrétiennes genevoises ont rendu un avis favorable à ce projet. Joël Stroudinsky, président de l’Eglise protestante de Genève, souligne : « C’est une question qui relève du monde politique». Il ajoute que « l’Etat doit trancher sur la définition de la laïcité, puis appliquer sa décision dans les règlements des cimetières».
Liberté de croyance et de culte
Face à la crainte du communautarisme, les responsables musulmans et juifs se veulent rassurants. Pour Hafid Ouardiri, porte-parole de la Fondation culturelle islamique, les cimetières confessionnels ne remettraient pas en question la laïcité : « Elle n’exclut pas de garder les spécificités de chaque communauté tout en sauvegardant l’unité de la société ». Pour la communauté israélite, la situation actuelle viole la liberté de croyance et de culte consacrée par la Constitution fédérale. Sa position s’appuie sur les deux avis de droits rendus par le professeur Claude Rouiller et Andreas Auer. Le premier préfère la solution des carrés confessionnels aux cimetières privés. « Une solution qui serait aussi accueillie positivement par les musulmans », souligne Hafid Ouardiri.
Aujourd’hui, deux carrés confessionnels existent dans le cimetière du Petit-Saconnex, pour lesquels l’ancien conseiller d’Etat, Guy-Olivier Segond, avait à l’époque donné son accord. La communauté juive dispose par ailleurs de deux cimetières. Un premier, situé à Carouge, date d’avant 1876. Un second se trouve à Veyrier, son entrée est située en Suisse et les tombes sont sur le territoire français.
Christiane Favre, maire de la commune de Perly-Certoux, ne voit pas d’objection à faire ni aux carrés confessionnels, ni aux cimetières privés. « Chacun est libre d’être enterré où il le désire », estime-t-elle. La solution des cimetières est, selon elle, plus simple à gérer pour les communes. Les adaptations que les carrés confessionnels imposent ne sont pas toujours réalisables (par exemple, l’orientation des tombes en direction de la Mecque). Et la crainte du communautarisme ? Elle rappelle que chacun peut choisir d’aller dans une école privée ou publique : « L’école laïque ne pose pas de problème à la plupart des gens. Pourquoi ne serait-ce pas le cas pour les cimetières ? » . Une vision que Véronique Schmied, conseillère administrative à la commune de Versoix ne partage pas. « Carré confessionnel ou cimetière privé : c’est la même chose », analyse-t-elle. Elle explique que « l’ensevelisement doit rester une affaire de famille. La relation s’opère entre elle et la commune ». Elle craint que d’autres communautés comme par exemple, l’Eglise de scientologie, n’adressent ce même type de demande à l’Etat.
« Les négociations qui ont lieu lors de la mise en place de carrés confessionnels renforcent les connaissances et les liens entre les communautés », juge Mallory Schneuwly Purdie, assistante diplômée à la chaire de science des religions à l’Université de Fribourg, membre du Groupe de recherche sur l’islam en Suisse. Mais, les deux modèles lui paraissent envisageables. « Les solutions sont à trouver au niveau local, à l’image du fédéralisme suisse», précise-t-elle.
Seule certitude, la tâche du Grand Conseil genevois ne sera pas aisée. Il devra trouver une solution qui sied à toutes les parties concernées en évitant les dérapages que peuvent susciter un sujet aussi passionnel.
A droite de l’échiquier politique, le PRD et le PDC se battent pour maintenir le statu quo. « Pourquoi devrait-on rallumer la guerre des cimetières ? », déclare Pierre Maudet, conseiller municipal radical. Selon lui, la loi de 1876, issue du Kulturkampf, permet l’harmonie dans une société pluriculturelle. «On va à rebours du bon sens en remettent en question cette loi », continue-t-il. Selon deux avis de droits des professeurs Claude Rouiller et Andreas Auer, la liberté religieuse commande de modifier la situation actuelle. «La liberté de religion s’articule dans la sphère privée », répond Pierre Maudet. Un avis que partage le PDC. Communautarisme craint« Dans un canton multiculturel, toute amorce de communautarisme doit être combattue afin de conserver la neutralité confessionnelle et éviter tout motif de tension entre différentes cultures », argumente Fabiano Forte, secrétaire général du PDC. Pour Pierre Maudet et Fabiano Forte, les carrés confessionnels ne sont pas une solution. Pour les deux politiciens, l’ensevelissement doit demeurer l’affaire des familles et non pas celle des communautés. Le parti socialiste et le parti libéral sont favorables à ce projet. L’UDC l’est également, à condition qu’il y ait seulement un seul cimetière par communauté religieuse.
Toutes les Eglises chrétiennes genevoises ont rendu un avis favorable à ce projet. Joël Stroudinsky, président de l’Eglise protestante de Genève, souligne : « C’est une question qui relève du monde politique». Il ajoute que « l’Etat doit trancher sur la définition de la laïcité, puis appliquer sa décision dans les règlements des cimetières».
Liberté de croyance et de culte
Face à la crainte du communautarisme, les responsables musulmans et juifs se veulent rassurants. Pour Hafid Ouardiri, porte-parole de la Fondation culturelle islamique, les cimetières confessionnels ne remettraient pas en question la laïcité : « Elle n’exclut pas de garder les spécificités de chaque communauté tout en sauvegardant l’unité de la société ». Pour la communauté israélite, la situation actuelle viole la liberté de croyance et de culte consacrée par la Constitution fédérale. Sa position s’appuie sur les deux avis de droits rendus par le professeur Claude Rouiller et Andreas Auer. Le premier préfère la solution des carrés confessionnels aux cimetières privés. « Une solution qui serait aussi accueillie positivement par les musulmans », souligne Hafid Ouardiri.
Aujourd’hui, deux carrés confessionnels existent dans le cimetière du Petit-Saconnex, pour lesquels l’ancien conseiller d’Etat, Guy-Olivier Segond, avait à l’époque donné son accord. La communauté juive dispose par ailleurs de deux cimetières. Un premier, situé à Carouge, date d’avant 1876. Un second se trouve à Veyrier, son entrée est située en Suisse et les tombes sont sur le territoire français.
Christiane Favre, maire de la commune de Perly-Certoux, ne voit pas d’objection à faire ni aux carrés confessionnels, ni aux cimetières privés. « Chacun est libre d’être enterré où il le désire », estime-t-elle. La solution des cimetières est, selon elle, plus simple à gérer pour les communes. Les adaptations que les carrés confessionnels imposent ne sont pas toujours réalisables (par exemple, l’orientation des tombes en direction de la Mecque). Et la crainte du communautarisme ? Elle rappelle que chacun peut choisir d’aller dans une école privée ou publique : « L’école laïque ne pose pas de problème à la plupart des gens. Pourquoi ne serait-ce pas le cas pour les cimetières ? » . Une vision que Véronique Schmied, conseillère administrative à la commune de Versoix ne partage pas. « Carré confessionnel ou cimetière privé : c’est la même chose », analyse-t-elle. Elle explique que « l’ensevelisement doit rester une affaire de famille. La relation s’opère entre elle et la commune ». Elle craint que d’autres communautés comme par exemple, l’Eglise de scientologie, n’adressent ce même type de demande à l’Etat.
« Les négociations qui ont lieu lors de la mise en place de carrés confessionnels renforcent les connaissances et les liens entre les communautés », juge Mallory Schneuwly Purdie, assistante diplômée à la chaire de science des religions à l’Université de Fribourg, membre du Groupe de recherche sur l’islam en Suisse. Mais, les deux modèles lui paraissent envisageables. « Les solutions sont à trouver au niveau local, à l’image du fédéralisme suisse», précise-t-elle.
Seule certitude, la tâche du Grand Conseil genevois ne sera pas aisée. Il devra trouver une solution qui sied à toutes les parties concernées en évitant les dérapages que peuvent susciter un sujet aussi passionnel.