Le dialogue oecuménique et interreligieux mis à mal par le décret de Benoît XVI

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Le dialogue oecuménique et interreligieux mis à mal par le décret de Benoît XVI

26 janvier 2009
« En matière d’œcuménisme, j’ai l’impression qu’on fait un pas en avant, deux pas en arrière ! », constate, navré, René Nyffeler, pasteur à Sierre, au lendemain de la levée par le pape Benoît XVI de l’excommunication des quatre évêques intégristes, ordonnés en 1988 par Mgr Lefebvre
« Pourquoi le pape a-t-il choisi de publier son décret en pleine semaine de l’unité, qui vient de s’achever dimanche 25 janvier ? », se demande, perplexe, le pasteur réformé. La décision du Vatican a été reçue de manière contrastée dans le monde et provoque des tensions avec les autres confessions et religions.Les récentes déclarations négationnistes de Mgr Richard Williamson, l’un des quatre évêques concernés par la décision du Vatican, qui nie l'existence des chambres à gaz, ont ajouté au trouble, notamment au sein de la communauté juive qui estime que le pape revient sur les grands acquis du dialogue interreligieux en acceptant au sein de l’Église catholique romaine des personnes clairement antisémites.

Du côté catholique, les réactions sont diverses. Certains prêtres se disent peinés par cette décision. La Conférence des évêques suisses, par l’entremise de Mgr. Kurt Koch, « espère une réconciliation » et prend ses distances par rapport aux positions négationnistes de Mgr. Richard Williamson. Dans Le Nouvelliste de ce jour (26 janvier 2009), Mgr. Norbert Brunner se montre réservé : « Il y a de la part d’Ecône volonté de discussion, mais que veut dire discussion ? Elle doit porter sur des choses essentielles et en particulier sur le renouveau liturgique et l’enseignement du Concile Vatican II qui inclut œcuménisme, liberté religieuse et collégialité épiscopale. Or c’est là que se situent les difficultés théologiques entre le mouvement d’Ecône et l’Église». Du côté des protestantsDu coté des protestants romands, Antoine Reymond, membre permanent du Conseil de l’Église réformée du canton de Vaud (EERV), président de la Conférence des Églises romandes, se dit choqué par la décision du Vatican. « La tendance de Benoît XVI est d’affirmer qu’il y a une seule Église, l’Église catholique. Avec cette levée de l’excommunication, on admet désormais des gens qui remettent en cause l’œcuménisme ». « Cette décision du pape Benoît XVI conforte les protestants dans leur sentiment de ne pas être accueillis », constate Florence Lutz, pasteure à Lavey. Elle tient à rappeler que bien des catholiques valaisans se montrent très intéressés par le dialogue avec les réformés et n’hésitent pas à se déplacer pour assister à une manifestation ou une réunion oecuménique éloignée de chez eux". Pour Pierre Boismorand, pasteur à Martigny-Saxon (territoire où se trouve le séminaire d'Ecône), cette réintégration rappelle fortement que le christianisme est très divers et qu’il comporte aussi des éléments plus intransigeants. "Cela est vrai également à l’intérieur du protestantisme. Nous sommes donc mal placés pour faire la leçon aux catholiques, et la décision du pape nous rappelle utilement que la coexistence est un défi qui se pose au cœur même de nos Églises".

A Sion, le pasteur Didier Halter estime que ce décret du pape est « un non-événement, une manœuvre de la diplomatie vaticane pour réintégrer les excommuniés d’Ecône et les contraindre à un dialogue ».

Cette décision va-t-elle donner un coup d’arrêt à l’œcuménisme dans notre pays ? Protestants et catholiques qui dialoguent ensemble sur le terrain assurent avec le pasteur sédunois que chacun va s’efforcer de poursuivre les efforts entrepris et continuer à cultiver les amitiés tissées au fil du temps.