La difficile complémentarité du catéchisme et de l’enseignement religieux scolaire

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La difficile complémentarité du catéchisme et de l’enseignement religieux scolaire

27 janvier 2005
Quel regard les communautés religieuses portent-elles sur une approche laïque du fait religieux à l’école ? Mercredi dernier, la Maison du dialogue de l’Arzillier a invité plusieurs de leurs représentants à en débattre autour de la présentation du matériel conçu par les éditions romandes Enbiro
Extraits. Mercredi dernier à Lausanne, l’intéressant débat organisé par la Maison du dialogue de l’Arzillier l’a démontré : Toutes les communautés religieuses présentes en Suisse reconnaissent la pertinence d’un enseignement sur le fait religieux durant la scolarité obligatoire. Terreau de bien des haines, l’inculture du sacré gagne du terrain. Et seule une approche culturelle et historique des religions permettra aux futurs adultes de se comprendre eux-mêmes avant d’approcher les autres. Ce constat s’avère désormais largement répandu au sein du monde intellectuel : Même la France, qui a poussé le plus loin la conception d’une foi strictement privée, a empoigné le problème à bras le corps afin, pour parler avec le philosophe Régis Debray ,auteur d’un rapport sur le sujet, « de dépasser une laïcité d’incompétence pour atteindre une laïcité d’intelligence ».

Pourtant, l’intégration du phénomène religieux dans les programmes scolaires reste inégale dans notre pays comme sur la planète (lire encadrés). On ne prend pas toujours la pleine mesure de l’avancée qu’a représenté la création des Editions romandes Enbiro (pour « Enseignement biblique et interreligieux romand ») qui offrent un même matériel pédagogique et méthodologique pour l’ensemble de la Suisse romande, région francophone de Berne comprise, à la notable exception de la république genevoise historiquement – mais de moins en moins – hostile à toute entorse à la neutralité confessionnelle de l’école. « A l’époque, dans les années 80, l’unification d’un enseignement au niveau romand était largement précurseur », rappelle Yves Dutoit, directeur d’Enbiro. Pas de concurrenceTransmettre aux élèves sans prosélytisme le patrimoine judéo-chrétien à la source des sociétés et de la culture occidentales, tout en les ouvrant aux religions du monde désormais largement en interaction avec la nôtre, est une tâche ardue. Entre ceux qui reprochent aux moyens Enbiro de couper les enfants de leurs éventuelles racines religieuses ou de désacraliser la religion ; entre certains chrétiens exigeant une nette prédominance de la Bible, et des musulmans s'estimant incompris dans leurs particularismes, le chemin du compromis s’avère long et parfois inaccessible. « Pourtant, à l’heure d’un cosmopolitisme incontournable, le métissage religieux touche presque tous les enfants. Ces derniers voyagent, regardent la télévision et ont des copains issus de traditions très différentes. Le travail de l’école consiste à mettre de l’ordre dans tout cela », rappelle le président d’Enbiro Claude Schwab.

Pour les représentants des communautés religieuses présents à la soirée, un tel enseignement n’entre pas en concurrence avec le catéchisme et un apport de type confessionnel. Selon le protestant Alain Chaubert, enseignant, « ces deux approches sont complémentaires », la dimension spirituelle et croyante restant l’apanage d’une catéchèse. « C’est une bonne introduction intellectuelle qui peut aussi déboucher pour l’élève sur une réflexion personnelle et sur une compréhension de certaines valeurs communes à toutes les religions », note pour sa part la bouddhiste Sylvie Zimmermann. Un compromis parfois délicatMalheureusement, la distinction des deux niveaux d’appréhension n’empêche pas des points de friction. C’est ce qui s’est produit avec le personnage de David : la méthode Enbiro rappelle son côté obscur, perspective inacceptable chez un musulman - qui considère tous les prophètes comme parfaits – et critiquable pour un Juif, pour qui David représente un personnage central de la foi. « On se trouve là face à plusieurs visions de la vérité. Il est déjà difficile pour un adulte de s’y retrouver, alors comment un jeune enfant le pourra-t-il ? », s’inquiète ainsi le musulman Montassar Ben Mrad, qui craint que les plus jeunes se perdent au milieu d’une foule d’informations contradictoires. De son c’ôté, le baha’i John-Paul Vader souligne que le rôle d’ancrage dans une tradition « revient à la famille », et que « l’on est de moins en moins issu d’une racine unique ».

Autre inquiétude évoquée, la méconnaissance des enseignants, chargés de dispenser ces programmes, « qui n’a souvent rien à envier à celle des élèves » relève Claude Schwab. Améliorer la formation des professeurs dans ce domaine relève de la compétence des Départements et « Enbiro ne peut que fournir une documentation aussi fouillée et précise que possible ».