« La mondialisation ne profite qu’aux plus riches »
25 novembre 2004
La Communauté de travail des Oeuvres d’entraide suisses présentait ce jeudi un véritable programme en matière de politique de développement
Elle plaide pour une nouvelle régulation de l’économie, l’ouverture globale des marchés n’ayant réussi, selon elle, qu’à accroître les disparités entre le Nord et le Sud. « Un autre monde est possible ». Le fameux slogan du forum social était sur toutes les bouches, ce jeudi à Berne, lors de la rencontre organisée par la Communauté de travail des Oeuvres d’entraide suisses. (voire encadré).
Après 4 ans de débat, la Communauté présentait ce qui constituera l’essentiel de son programme politique et stratégique pour les années à venir. Ces deux documents de fond remplacent ceux datant 1997, et sont publiés en même temps qu’un ouvrage de Peter Niggli, le directeur de la Communauté de travail, qui analyse dans le détail le contexte international*.
L’auteur appelle à un « nouveau régime de régulation de l’économie mondiale, qui laisse davantage de marge de manoeuvre à chaque pays pour définir ses propres stratégies de développement ». Peter Niggli ne se montre pas tendre envers le processus actuel de « mondialisation néolibérale », qui ne réussit qu’à aggraver le fossé entre riches et pauvres, que ce soit entre le Nord et le Sud ou au sein même des pays industrialisés. Comme l’a rappelé Jürg Krummenacher, directeur de Caritas suisse, « la mondialisation comme extension du libre-échange est une vision vouée à l’échec. L’expérience de ces 20 dernières années montre que les disparités économiques n’ont fait que s’accentuer ». Les chiffres ont beau être connus, ils donnent le vertige : les 3 plus grandes fortunes du monde disposent d’une fortune supérieure au produit intérieur brut (PIB) des 75 pays les plus pauvres. La moitié de la population mondiale vit avec moins de 2 dollars par jour et 800 millions de personnes meurent de faim. Ce qu’il faut globaliser, plaide Swissaid, c’est la responsabilité collective en réduisant les écarts entre le Nord et le Sud, et en réglementant le fonctionnement de l’économie mondiale. Protéger les économies nationales du SudLe changement de cap auquel aspire la Communauté de travail dépasse donc largement le seul domaine du développement. « La libéralisation forcée, l’ouverture sans condition des pays les plus pauvres à l’économie de marché, a été synonyme de ruine pour nombre d’entre eux », a souligné Peter Niggli. Le pouvoir des multinationales s’est accru, l’autonomie économique du Sud a diminué, tout comme la capacité du politique à intervenir dans les flux financiers. « Nous constatons que les rares pays en développement qui réussissent, comme l’Inde, la Chine ou certains Etats du sud-est asiatique, sont précisément ceux qui ont évité l’alternative entre l’ouverture totale et le protectionnisme pour un mélange des deux : protéger leur marché indigène tout en favorisant les industries locales capables d’exporter », a encore noté le directeur la Communauté. Certes, la Suisse ne peut à elle seule changer le monde. « Mais il s’agit d’un débat international dans lequel notre pays a son rôle à jouer » dans la perspective de l’objectif du Millenium : réduire de moitié la pauvreté dans le monde d’ici à 2015.
Cette volonté de freiner la mondialisation pour permettre aux pays en voie de développement une intégration progressive à l’économie planétaire s’oppose directement au discours dominant actuel dont Oscar Knapp, représentant du Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO) a donné un bon exemple : « L’objectif commun de lutte contre la pauvreté passe au contraire par un renforcement des échanges commerciaux, seul garant de la croissance économique ». De son côté, Peter Niggli a rappelé que « les altermondialistes ne sont pas contre la croissance. Ils disent simplement que le système économique actuel ne la favorise pas ». On l’a bien compris, pour la Communauté comme pour tous les acteurs de ce que l’on appelle parfois les mouvements citoyens, il ne s’agit pas de se voiler la face en promettant « une mondialisation plus humaine », il faut « abandonner le néolibéralisme pour remettre l’humain et l’écologie au centre de nos préoccupations », selon les termes de Caroline Morel, présidente de la Communauté de travail. UTILE
*Peter Niggli, La Mondialisation, et après...quel développement au 21e siècle, édité par la Communauté de travail
Après 4 ans de débat, la Communauté présentait ce qui constituera l’essentiel de son programme politique et stratégique pour les années à venir. Ces deux documents de fond remplacent ceux datant 1997, et sont publiés en même temps qu’un ouvrage de Peter Niggli, le directeur de la Communauté de travail, qui analyse dans le détail le contexte international*.
L’auteur appelle à un « nouveau régime de régulation de l’économie mondiale, qui laisse davantage de marge de manoeuvre à chaque pays pour définir ses propres stratégies de développement ». Peter Niggli ne se montre pas tendre envers le processus actuel de « mondialisation néolibérale », qui ne réussit qu’à aggraver le fossé entre riches et pauvres, que ce soit entre le Nord et le Sud ou au sein même des pays industrialisés. Comme l’a rappelé Jürg Krummenacher, directeur de Caritas suisse, « la mondialisation comme extension du libre-échange est une vision vouée à l’échec. L’expérience de ces 20 dernières années montre que les disparités économiques n’ont fait que s’accentuer ». Les chiffres ont beau être connus, ils donnent le vertige : les 3 plus grandes fortunes du monde disposent d’une fortune supérieure au produit intérieur brut (PIB) des 75 pays les plus pauvres. La moitié de la population mondiale vit avec moins de 2 dollars par jour et 800 millions de personnes meurent de faim. Ce qu’il faut globaliser, plaide Swissaid, c’est la responsabilité collective en réduisant les écarts entre le Nord et le Sud, et en réglementant le fonctionnement de l’économie mondiale. Protéger les économies nationales du SudLe changement de cap auquel aspire la Communauté de travail dépasse donc largement le seul domaine du développement. « La libéralisation forcée, l’ouverture sans condition des pays les plus pauvres à l’économie de marché, a été synonyme de ruine pour nombre d’entre eux », a souligné Peter Niggli. Le pouvoir des multinationales s’est accru, l’autonomie économique du Sud a diminué, tout comme la capacité du politique à intervenir dans les flux financiers. « Nous constatons que les rares pays en développement qui réussissent, comme l’Inde, la Chine ou certains Etats du sud-est asiatique, sont précisément ceux qui ont évité l’alternative entre l’ouverture totale et le protectionnisme pour un mélange des deux : protéger leur marché indigène tout en favorisant les industries locales capables d’exporter », a encore noté le directeur la Communauté. Certes, la Suisse ne peut à elle seule changer le monde. « Mais il s’agit d’un débat international dans lequel notre pays a son rôle à jouer » dans la perspective de l’objectif du Millenium : réduire de moitié la pauvreté dans le monde d’ici à 2015.
Cette volonté de freiner la mondialisation pour permettre aux pays en voie de développement une intégration progressive à l’économie planétaire s’oppose directement au discours dominant actuel dont Oscar Knapp, représentant du Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO) a donné un bon exemple : « L’objectif commun de lutte contre la pauvreté passe au contraire par un renforcement des échanges commerciaux, seul garant de la croissance économique ». De son côté, Peter Niggli a rappelé que « les altermondialistes ne sont pas contre la croissance. Ils disent simplement que le système économique actuel ne la favorise pas ». On l’a bien compris, pour la Communauté comme pour tous les acteurs de ce que l’on appelle parfois les mouvements citoyens, il ne s’agit pas de se voiler la face en promettant « une mondialisation plus humaine », il faut « abandonner le néolibéralisme pour remettre l’humain et l’écologie au centre de nos préoccupations », selon les termes de Caroline Morel, présidente de la Communauté de travail. UTILE
*Peter Niggli, La Mondialisation, et après...quel développement au 21e siècle, édité par la Communauté de travail